LE MARIAGE AU MAROC

 

 

Auteur: Hakim SAFADI

 

 

Qui d’entre nous n’a pas rêvé un jour de célébrer cette cérémonie à la fleur de l’âge. Même si aujourd’hui la durée des cérémonies, initialement de sept jours, est passée à trois jours, puis à une soirée seulement, il n’en demeure pas moins que le mariage marocain reste une cérémonie hautement appréciée et toujours porteuse de souvenirs chargés de bonheur. Cependant, dans la pratique, les coutumes et usages de cette cérémonie, varient d’une région à l’autre, revêtant quelques spécificités du milieu où elle se déroule, qu’il soit rural ou urbain.

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Mais avant d’aborder le descriptif de la cérémonie à travers ses rites et traditions, il conviendrait peut-être de rappeler les dispositions de la nouvelle Moudawana (Code de la Famille) promulguée par S.M. Mohammed VI en 2004, qui a apporté une nette amélioration des droits de la femme au Maroc, comparativement à la version initiale, codifiée en 1958. Sans vouloir être exhaustif, rappelons les principaux aspects qui constituent cette nouvelle réforme (source Wikipedia) :

 

ØLa coresponsabilité des époux : auparavant, la responsabilité était exclusivement du ressort du père, ce qui pouvait être déterminant pour l’éducation des enfants. Avec la nouvelle Moudawana, la famille est placée sous la responsabilité commune des deux époux. La règle de l’obéissance de l’épouse à son mari est donc abandonnée.

ØL’âge du mariage : l’âge minimum du mariage est fixé à 18 ans (au lieu de seulement 15 ans auparavant) ;

ØLa tutelle matrimoniale : la femme n’a plus besoin de tuteur pour se marier. Il suffit qu’elle soit âgée de 18 ans ;

ØLa polygamie : elle est toujours en vigueur, car elle puise ses fondements dans la religion musulmane. Toutefois, le législateur a instauré des conditions très strictes, imposant entre autres, le consentement de la 1ère épouse, pour permettre à l’époux de conclure un mariage avec une seconde femme. Néanmoins, force est de constater que de nos jours, la polygamie a tendance à disparaître, car les mentalités ont évolué. De plus, avec le coût de la vie, il devient de plus en plus difficile de faire face aux dépenses familiales, non seulement en raison de la pluralité des épouses, mais aussi et surtout à cause du nombre des enfants issus du mariage polygame ;

ØLa répudiation de par le passé, il suffisait à l’époux de se présenter devant les « adouls » (notaires de droit commun) qui lui rédigent une lettre de répudiation, imposant à l’épouse un divorce à son insu, et sans obligation de motivation dudit divorce. Avec la nouvelle Moudawana, cette pratique est abandonnée et la répudiation devient soumise à l’autorisation préalable du « Cadi » (Juge de droit commun) ; 

ØLe droit au divorce : ce droit, réservé initialement à  l’époux, est aujourd’hui abandonné. L’épouse peut désormais demander le divorce au Cadi qui, sur la base des faits (violence, manquement aux obligations familiales, comportement insupportable dans le foyer, etc…), peut prononcer le divorce, imposant au mari l’application des conditions légales en vigueur ;

ØLa gestion du foyer : seul l’époux a l’obligation d’assurer les besoins de la famille. Par contre, les deux conjoints ont le droit de gérer mutuellement les affaires du ménage ;

ØDomicile familial : en cas de divorce, le parent qui obtient la garde des enfants est en droit de conserver le logement familial ;

Ø Harcèlement sexuel : désormais considéré comme un délit majeur, il est puni par la Loi ;

Ø Fidélité au sein du couple : Alors qu’auparavant seul l’époux pouvait prévaloir le droit de la fidélité de l’épouse envers son mari, la nouvelle Moudawana prescrit une fidélité mutuelle des deux conjoints. En cas de preuve avérée, le mari infidèle est poursuivi par la Loi ;

Ø Mariage civil à l’étranger : Le nouveau code de la famille reconnait les mariages civils contractés à l’étranger, à condition qu’il aient eu lieu en présence d’au moins deux témoins de confession musulmane ;

Ø Nationalité des enfants issus de mariages mixtes : depuis octobre 2006, la femme marocaine obtient la possibilité de transmettre sa nationalité à ses enfants.

 

LE MARIAGE EN MILIEU RURAL

 

Dans le monde rural, même si nous trouvons quelques familles aisées qui célèbrent encore cette cérémonie pendant quelques jours (un fait rarissime aujourd’hui), la majorité des familles célèbre cet évènement en une seule journée. La date est annoncée quelques jours avant la cérémonie et les proches se chargent de véhiculer l’information dans le douar. Nul besoin de confectionner des invitations pour la fête, car tous les habitants du douar sont invités d’office.

L’union entre les futurs époux est matérialisée par un « acte adoulaire », établi par deux « adouls » qui officient légalement auprès du tribunal de droits communs, supervisé par le « cadi attaoutik » (Juge). Cette procédure est de plus en plus exigée par l’administration, même si, dans certaines régions très retirées du pays, on peut encore trouver des cas de mariage par la « Fatiha ». Dans le concept de cette tradition ancestrale, le mariage par la« Fatiha » est une sorte de reconnaissance publique des deux familles qui consentent marier leurs enfants, sous le témoignage des habitants du douar, présents à la fête. Au cours de la cérémonie, la Fatiha (les sept premiers versets du Coran) est récitée collégialement par les invités et le « Fquih » du douar (maître de l’école coranique), sacrant ainsi cette union d’inspiration religieuse.

Qu’en est-il de la dot et des autres traditions ? Il faut savoir qu’aucun montant n’est déterminé légalement pour fixer celui de la dot. C’est du gré à gré, selon l’accord convenu entre le futur marié et le père de la future mariée, ou son remplaçant s’il est déjà décédé (en général c’est le frère aîné, ou un oncle).

Pour demander la main de la fille, la famille du prétendant se présente au domicile des parents de la convoitée. Après l’accord de principe sur le montant de la dot, la famille du futur mari revient quelques jours après, pour apporter des offrandes et le montant de la dot convenue, en vue d’officialiser les fiançailles. Un chariot, tracté par un ou deux chevaux sert de moyen de transport des cadeaux destinés à la famille de la fiancée (sac de sucre, sac de farine, carton d’huile, plateau de dattes et de henné, tissus pour caftan et djellaba, éventuellement un sac à main, des babouches et peut-être même des produits cosmétiques). Le cortège de la famille se dirige vers la maison des parents de la fiancée, accompagné par une troupe folklorique qui joue sur des instruments à percussion (tambour, tambourine, « bendir », taârija) et des instruments à vent (flûte à anche comme « l’ghita » ou « nira »), le tout accompagné de chants et youyous des femmes, provoquant la curiosité des autres habitants de douar qui souvent se joignent à eux, pour un bout de chemin. La cérémonie des fiançailles se limite souvent à une petite réception organisée par la famille de la fiancée où on sert du thé et des gâteaux. Pendant la réception, il est d’usage qu’une femme du village se charge de tatouer les mains et les pieds de la fiancée avec le henné, réputé pour prémunir le couple contre le « mauvais œil », mais aussi pour lui procurer prospérité et fertilité. Au cours de cette séance, le fiancé (ou ses parents) verse au père de la fiancée, le montant de la dot retenu d’un commun accord, ce qui confirme la conclusion des fiançailles.

La dot servira donc au père de la mariée pour acheter ou faire confectionner des biens mobiliers que la mariée emportera dans sa future demeure (mobilier pour la chambre à coucher, matelas pour le salon, tapis, etc…). Plus la dot aura été consistante, plus hauts seront les matelas du salon, généralement fourrés avec de la laine pure, à défaut avec du coton. En cas de divorce, ou décès, ces biens reviendront systématiquement à la divorcée ou à la veuve.

(Note: moi, qui suis de petite taille, j’ai souvent du mal à m’asseoir sur ces hauts matelas, laissant mes jambes pendouiller à 20 cm du sol.)   

Le déroulement de la cérémonie commence très tôt le matin, par la préparation du repas. Dans la majorité des cas, ce sera un couscous avec de la viande du bœuf et des légumes qui sera servi pour la circonstance. Certaines familles, peut-être un peu plus aisées, serviront avant le couscous, un premier plat (tajine) de viande ou de poulet. La maman du marié, aidée par d’autres membres de la famille et des amies du douar, sont à pied d’œuvre pour préparer le repas. Une espèce de solidarité s’installe entre les résidents et bon nombre de foyers contribuent, à leur manière, pour assurer une réussite à la cérémonie. Certaines femmes apportent leurs marmites pour cuisiner le repas, d’autres prêtent des assiettes, plateaux et autres ustensiles de cuisine (fourneau, théière, bouilloire, verres à thé, etc…). Tandis que les femmes s’affairent dans la cuisine pour la préparation du repas,  les hommes dressent deux grandes tentes, dites « caïdales », dont une sera réservée aux hommes et l’autre aux femmes. Même si tout le monde se connait dans le douar, les familles respectent le maintien de cette ancienne tradition.

La fête débute vers le milieu de la journée avec l’arrivée des invités. Le thé est servi avec des gâteaux, pendant qu’une troupe musicale commence son récital de chansons, rythmé par la danse des « chikhates », expertes dans la chorégraphie des danses locales.

Le futur mari, vêtu d’habits traditionnels, « tchamir » (longue chemise), « saroual kandrissi » (pantalon large), « razza » (turban) blanche ou jaune, « djellaba » (tunique) blanche et «balgha », attend avec impatience l’arrivée de sa promise.

Pendant que l’atmosphère festive est ponctuée par les youyous des femmes de la famille de l’époux, l’arrivée de la mariée est annoncée par les fanfares d’un groupe musical de la région. Bien évidemment les rites varient d’une province à l‘autre, mais le déroulement de la fête reste fidèle aux traditions ancestrales.

Sans approfondir la description des différentes traditions locales, nous citerons un exemple de cérémonie dans des milieux ruraux plutôt modestes : la famille de la mariée constitue un petit cortège pour conduire la convolée vers sa future demeure. Devant l’enceinte de la maison, un homme de sa famille (en général un oncle) prend la future mariée dans ses bras, car la promise ne doit pas poser pied à terre, au cas où une méchante femme aurait jeté un mauvais sort sur son itinéraire. Sur son chemin, elle jette des poignées de blé, gage de bien-être et de fécondité. Une fois introduite dans la chambre où elle va résider, le mari la rejoint et s’assoit à côté d’elle. Le futur mari obéit au rituel que les femmes (gardiennes de la tradition), lui chuchotent dans l’oreille (par exemple soulever le voile de sa promise et lui poser un doux baiser sur le front). Les femmes, après leurs youyous et prières pour leur souhaiter bonheur, quittent la chambre laissant les deux époux seuls. Discrètement, la maman ferme la porte de la chambre et lance une chaleureuse bienvenue aux convives, les invitant à chanter, danser et partager le repas préparé pour la circonstance. Le son des tamtams augmente, les chants et cris de joie se multiplient et les danseurs se produisent sur le parquet. On raconte que ce scenario est savamment improvisé pour camoufler les éventuels cris de la jeune mariée qui consomme son premier rapport sexuel.

Mais là, il faudrait peut-être rappeler une tradition qui, à quelques exceptions près, est toujours en vigueur, particulièrement dans le milieu rural. Il s’agit de préserver l’honneur des deux familles récemment unies et justifier que la mariée n’avait connu aucun rapport sexuel auparavant. Sous la couverture du lit des conjoints, la maman dépose un pantalon blanc qui, une fois l’union consommée, sera imbibé d’une trace de sang, ce qui constituera la preuve de la virginité de l’épouse. Le mari quittera la chambre pour rejoindre les convives, tandis que les deux mamans vont à la découverte du trésor (le fameux pantalon). Force est de constater qu’en milieu rural, 99% des cas présentent un résultat affirmatif de virginité de la jeune mariée. Les mamans félicitent la jeune mariée d’avoir honoré leurs familles et sortent de la chambre pour afficher leur fierté. Les youyous fusent des bouches de plusieurs femmes, tandis que les hommes partagent leur joie avec le jeune époux qui arbore aussi son orgueil d’avoir honoré sa famille. La cérémonie prendra fin à une heure tardive de la nuit.

 

Si le mariage rural a su préserver son authenticité par le respect d’un certain nombre de rituels et usages perpétrés depuis plusieurs générations, force est de constater aujourd’hui, que l’influence de la vie citadine se fait sentir de plus en plus par l’adoption d’un style de vie plus moderne, ce qui n’était pas le cas il y a à peine quelques dizaines d’années.

LE MARIAGE EN MILIEU URBAIN

 

Autant le mariage en milieu rural est déployé dans une simplicité manifeste, le mariage dans les villes est beaucoup plus consistant en termes d’usages et rites qui, eux aussi varient d’une région à l’autre. Cependant, dans les zones urbaines, les conditions matérielles sont si hétérogènes que nous pouvons participer à des cérémonies organisées dans leur forme la plus simple, tout comme nous pouvons être invités à des mariages affichant une opulence très faste. Cette richesse, exhibée par les familles lors des cérémonies de mariage, vise principalement à attirer l'attention sur la diversité culturelle à travers les rituels pratiqués, tels que les caftans portés par la mariée à cette occasion, ou les repas spécifiques servis lors de cet événement, ou encore la musique et la danse qui animent les soirées du mariage. Mais oser se lancer dans le labyrinthe des traditions et coutumes pratiquées dans différentes régions, serait une tentative bien délicate. Cependant, voici un aperçu de certaines pratiques effectuées au cours de la cérémonie du mariage dans les villes.

 

Première phase – Les négociations :

 

De nos jours, les contacts entre les filles et garçons sont plus libéralisés, fournissant aux jeunes plusieurs opportunités de rencontres (dans les écoles, les lieux de travail, les fêtes organisées par les familles, les voyages ou tout simplement les rencontres avec les amis.)

 

Il convient de noter que, dans le passé, lorsque le jeune homme voulait demander la main d'une jeune fille, sa famille devait se présenter aux parents de la fille en vue de négocier les conditions du mariage (montant de la dot, organisation des fiançailles, clauses à préciser sur l’acte de mariage comme par exemple les indemnités en cas de divorce, etc.)Mais personne ne connaissait à l'avance la réponse des parents de la fille, ou les conditions qu’ils pourraient exiger pour le consentement au mariage de leur fille avec le prétendant. 

Toutefois aujourd'hui, ce genre de « négociations » est quelque peu dépassé, parce que généralement les jeunes discutent du sujet directement entre eux, avant même qu'ils ne le notifient aux parents. En outre, les nouvelles technologies (téléphone mobile, Internet et ses dérivés, tels que la messagerie, Facebook, etc.), ont grandement influencé la vie dans la ville, ce qui rend les contacts plus faciles entre les jeunes. À quelques exceptions près, nous pouvons affirmer que les négociations préliminaires de la cérémonie de mariage, sont aujourd’hui effectuées d’abord entre les jeunes concernés, et s'ils sont d'accord, alors seulement ils avisent leurs parents respectifs. Une fois que toutes les conditions sont analysées et finalisées, la visite des parents du futur époux devient une simple formalité, pour confirmer l'engagement du futur marié envers sa promise.

Deuxième phase – Les fiançailles :

 

Plusieurs variantes de fiançailles sont pratiquées en fonction du choix des familles des futurs mariés :

ØEngagement limité à ce qui est communément appelé «Rachma » ou «Rcham » (réservation ou promesse de mariage), ce qui signifie que les parents de la jeune fille ont donné leur accord de principe pour marier leur fille au prétendant qui s’est présenté. En d'autres termes, la jeune fille est « promise » au candidat qui est venu demander sa main. La réception organisée à cette occasion reste relativement simple, car les hôtes ne reçoivent que du thé, de la pâtisserie et des rafraîchissements. En général, le prétendant offre à cette occasion un beau bouquet de fleurs et un bijou en or (collier, bracelet, etc…). Les fiancés peuvent sortir ensemble, mais aucun rapport sexuel n’est autorisé, tant que l’acte de mariage n’est pas encore établi. En cas de problème ou malentendu entre les fiancés, l'engagement est annulé, mais le bijou n’est pas restitué au prétendant.

ØEngagement avec acte de mariage : Dans ce cas, la relation est plus solide en raison de l'existence de l'acte de mariage, ce qui conduit les deux familles à s’occuper d’ores et déjà de la préparation de la cérémonie du mariage. La famille de la mariée achète ou fait confectionner les biens mobiliers que la mariée emmènera dans son futur logement (meubles de la chambre à coucher, matelas pour le salon, tapis et autres…). De son côté, le fiancé va dresser, avec l’assistance de certains membres de sa famille, la liste des présents qui seront offerts à la mariée, le jour de l’établissement de l’acte de mariage.

 

Parmi les cadeaux, on trouve généralement une bague de fiançailles et peut-être une ceinture en or, dont le poids peut varier entre 350 et 750 gr. Il est vrai qu’aujourd’hui, le port de cette ceinture est relativement rare, en raison de l’incommodité pour un usage quotidien. Toutefois, les femmes la portaient uniquement comme signe de richesse, lors des mariages ou autres cérémonies, ce qui les distinguait des autres femmes, plus pauvres. Pour les épouses de l’ancienne génération, la ceinture en or représentait également une certaine sécurité matérielle, car elles étaient souvent au foyer et, en cas de divorce ou décès du conjoint, la ceinture en or pouvait constituer une certaine ressource de survie, en attendant des jours meilleurs. Ainsi, de nos jours, le port de la ceinture en or se fait de plus en plus rare, mais pour les femmes qui le souhaitent, elles peuvent le louer auprès d’un bijoutier, moyennant une garantie déposée auprès de lui.

 

En ce qui concerne la cérémonie des fiançailles, certaines familles choisissent de l'organiser peu après l'accord de principe sur le mariage, alors que d’autres, moins pressées, reportent l’établissement de l’acte de mariage jusqu’à la veille de la cérémonie du mariage.

 

Traditionnellement, le père de la mariée finance toutes les dépenses associées à la réception organisée le jour de l’établissement de l’acte de mariage. Les familles moins aisées ont recours à la dot pour financer la cérémonie, tandis que les familles riches puisent dans leurs propres ressources, pour financer les dépenses de la cérémonie. Et les frais ne sont pas des moindres : la pâtisserie marocaine, les repas servis à cette occasion, les boissons, aussi l’orchestre qui anime la soirée, ou alors les services du traiteur qui assure non seulement la fourniture des repas, mais aussi toute la logistique, tels que les tables, les chaises, les assiettes et autres ustensiles de cuisine, y compris l’équipe des serveurs qui seront à la tâche durant toute la cérémonie. Il faut comprendre que cet important événement familial reste un puissant symbole de l’union de deux familles. C’est la raison pour laquelle, autant de personnes trouvent du plaisir à assister à ce genre de cérémonie, notamment les familles des mariés, mais aussi les voisins et les amis. Le nombre des invités voisine souvent une centaine de convives, parfois deux ou trois personnes.

 

(Dans ma famille, c’est à deux reprises que le nombre des invités a dépassé les deux cents personnes.)

 

 

Troisième phase – Réception du mariage :

 

Cette dernière étape est abordée avec beaucoup de prudence, car l’enjeu est très important pour les futurs conjoints. Les préparatifs peuvent prendre plusieurs mois. Rien ne doit être laissé au hasard et tous les aspects sont analysés dans les moindres détails. Du côté dépenses, il convient de noter que les frais liés à la cérémonie des fiançailles sont pris en charge par le père de la mariée, tandis que ceux relatifs à la réception du mariage, ils sont couverts intégralement par le marié.

 

Malgré l’influence des temps modernes, les nouveaux époux ont tendance à préserver les traditions anciennes pour célébrer leur mariage, utilisant les coutumes de telle ou telle région, pour donner une touche spéciale à leur cérémonie. A titre d'exemple, dans un mariage « Fassi », nous trouvons toujours le célèbre caftan fassi, appelé « Ntaâ », que la mariée porte au cours de la cérémonie, pendant le défilé des vêtements traditionnels. Ce caftan, généralement noir ou bleu foncé, habilement brodé de fil d'or par un maître artisan, crée un beau contraste de couleurs. Dans les mariagea berbères du sud du Maroc, la mariée porte un caftan multicolore (aussi appelé « takchita »), décoré avec des pierres semi-précieuses provenant de la région. Quant au mari, il porte une djellaba traditionnelle, avec un beau un poignard d'argent, enfilé autour de l’épaule.

 

Certaines préoccupations vont nécessiter plusieurs semaines, voire des mois. Il s’agit notamment de la couture des caftans de la mariée, la réservation du lieu où se déroulera la cérémonie du mariage, la sélection de l'orchestre qui animera la soirée, mais aussi et surtout le choix des caftans qui seront retenus dans le programme du défilé agencé par une « neggafa », personnage clé de la cérémonie du mariage. D'autres sujets ne seront traités qu’à quelques semaines avant la cérémonie, notamment la commande de la pâtisserie et du gâteau de mariage. Il faut peut-être signaler que les préparatifs sont un peu facilités pour les familles qui recourent aux services d’un traiteur, qui prend en charge toute la logistique liée au service du repas dont le menu a été commandé par les mariés ou leurs représentants.

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Si, en milieu rural, tous les habitants du village sont automatiquement invités à la cérémonie, les citadins ont introduit, depuis plusieurs décennies, la pratique de l’envoi des cartes d’invitation aux hôtes. Cette tâche est menée collégialement par les deux fiancés qui préparent une liste plus ou moins complète des futurs invités, constituée principalement des membres de la famille, des voisins, des collègues du travail et des amis de tout bord. Le texte de l’invitation est confié à un calligraphe qui le transcrit dans un beau style de calligraphie arabe, puis est confié à une imprimerie pour faire le tirage. Les enveloppes, contenant les invitations, sont envoyées aux mariés qui les délivrent aux invités.

 

Toutes ces préoccupations doivent être planifiées à l'avance, pour la bonne raison que presque tous les mariages sont organisés aux mois de juillet, août et septembre, à cause des vacances scolaires et de la période des congés, constituant ainsi un goulot d’étranglement au niveau des prestataires de services. Les jeunes mariés se rapportent souvent à l’expérience vécue par des familles dans d'autres cérémonies de mariage, ou vont consulter une « neggafa » qui maîtrise ce domaine, en tant qu’expert en la matière. Rappelons ici un peu l'histoire de cette profession, un véritable savoir-faire dans les traditions marocaines.

 

Une mariée préparée par les neggafates

La mariée est préparée par ses neggafates

 

Ce travail spécifique est déployé depuis la nuit des temps, surtout lors des cérémonies de mariage, mais aussi à l’occasion des fêtes familiales telles que le baptême, célébré le septième jour après la naissance d’un enfant, ou à l'occasion de la circoncision d’un garçon. Comme déjà précisé plus haut, les neggafates, considérées comme les gardiennes des traditions anciennes, jouent un rôle important dans le déroulement de la cérémonie du mariage. On dit que certaines mères, à la recherche d'un partenaire pour leur fils ou fille, s’adressent à la neggafa qui, du fait qu’elle connaît beaucoup de familles, peut fournir des informations importantes pouvant être utiles pour le choix du futur partenaire.

 

Chaque future mariée rêve de défiler devant les invités avec des beaux caftans et des bijoux en or. Mais la question est de savoir si financièrement, elle peut se le permettre ? Certainement pas ! C’est la raison pour laquelle, les futures mariées s’adressent à la neggafa pour emprunter des caftans et bijoux à l’occasion de la cérémonie du mariage. Il est d'usage que la mariée alterne, pendant la cérémonie, au moins quatre caftans, mais le nombre peut atteindre sept. Outre les caftans, la mariée porte une ceinture en or, un diadème, un collier, des épinglettes décoratives et quelques bracelets. A ce propos, il faut signaler que même la neggafa, qui bénéficie de la confiance du bijoutier, loue des bijoux dont le prix de location est répercuté sur la facture que les jeunes mariés vont régler après la cérémonie du mariage. 

 

Outre ces services, la neggafa arrête, en collaboration avec les futurs époux, le programme qui sera déroulé pendant la soirée, y compris les rites à appliquer durant la cérémonie. La neggafa organise l’accueil de la mariée, se préoccupe de l’emplacement où seront installés les futurs époux pendant la soirée, ordonnance le défilé des caftans que portera la mariée, et enfin fait porter la mariée sur un plateau rond pendant la très attendue danse appelée « doura » qui représente le point culminant de la soirée.

 

Mais au fait, quels sont les rituels effectués au cours de la cérémonie du mariage ? Encore une fois, rappelons que tout dépend du choix des jeunes mariés, et bien sûr des habitudes spécifiques à chaque région du Maroc :

 

ØSpa avant les noces : La veille de la cérémonie, la mariée est conduite dans un « hammam » (bain maure), accompagnée par un groupe de femmes de sa famille, pour prendre un bain de purification. Il faut toutefois signaler que de nos jours, cette coutume est en voie de disparition, car aujourd’hui les maisons et appartements sont équipés d’une salle de bains. Mais qu’y a-t-il d’intéressant dans ce rituel et quelle en est la signification ? Il convient de noter que, dans le temps, la famille louait pour une journée le bain maure, pour y emmener la future mariée prendre un bain selon un rituel traditionnel. Habituellement, le corps de la future mariée est arrosé de lait, qui symbolise la pureté, tandis que les bougies, allumées dans les couloirs sombres du hammam, étaient destinées à éclairer le chemin vers le bonheur que la future mariée allait rencontrer après son mariage.

 

ØHenna : Cette plante, originaire de l'Inde et d'Arabie, est également cultivée en Afrique du Nord. Elle assure une protection contre certaines maladies de la peau et renforce le cuir chevelu. L’application du henné sur les cheveux est toujours pratiquée dans les zones rurales, mais en milieu urbain, le henné est plutôt utilisé lors de la cérémonie rituelle de coloration des mains et des pieds de la future mariée. Après le bain de noces, la future mariée porte à l’occasion du henné, un caftan vert avec un voile transparent qui lui couvre le visage. Une « hennaya » ou « nakkacha », qui applique le henné sur le corps, dessine sur les mains et pieds de la future mariée, plusieurs motifs qui symbolisent la protection contre le mauvais œil, mais aussi représentent la prospérité, le bonheur et la fertilité.

 

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ØCadeaux de mariage (« Hdiya ») : Cette coutume est pratiquée par toutes les couches sociales, indépendamment de la région de provenance des futurs époux. Aucune qualité ou quantité n’est déterminée et le choix des cadeaux dépend uniquement des possibilités matérielles du futur mari, influencé en cela par son statut social et le caractère spécifique qu’il entend consentir à sa cérémonie de mariage. En plus des cadeaux suffisamment onéreux que le marié offre à l'occasion de la cérémonie (bijoux, caftans, etc.), il apporte d’autres cadeaux encore plus symboliques, tels que le sucre et les dates (symboles d'une vie heureuse), le henné (comme protection contre le mauvais œil), les fleurs (symbole de la beauté), les bougies (symbole de la lumière) ou encore le lait (symbole de la pureté).

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ØArrivée de la mariée sur l'« ammaria » : alors que les invités arrivent à 20h ou 21h, la mariée ne se présente dans la salle de la cérémonie que vers 23h.  L’ammaria est une construction en bois, portée sur deux barres parallèles, permettant à la mariée d’être portée sur les épaules de porteurs, qui peuvent être des hommes et des femmes (neggafates). L’ammaria rappelle l'époque de l'Egypte ancienne, quand les célébrités se laissaient porter en signe de richesse. L’arrivée festive de la mariée sur l’ammaria annonce le début officiel de la soirée. Les porteurs traversent toute la salle avec l’ammaria, montrant la future mariée qui salue, d’un air radieux, tous les invités. L'orchestre chante les louanges de la mariée, tandis que les hôtes applaudissent et les neggafates poussent leurs cris de youyous. La mariée salue ses invités et sourit, exprimant ainsi toute sa joie pour cet événement.

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Ø« L’berza » :Après l'arrivée de la mariée sur l’ammaria, les neggafates l’installent avec son mari, à l'endroit qui leur est réservé pour toute la soirée. « L’berza » signifie que les mariés sont assis dans un endroit particulier, qui domine toute la salle de la cérémonie. Habituellement, les mariés sont installés sur un grand fauteuil ou une plate-forme surélevée, ou encore un matelas surhaussé avec des oreillers, le but étant de permettre aux hôtes de voir les jeunes mariés lorsque les neggafates pratiquent les rituels de la cérémonie.

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ØDéroulement de la soirée : La musique bat son plein et le chanteur récite des chansons populaires, au cours desquelles les invités dansent sur le parquet. La mariée, accompagnée de son mari, et suivant la cadence rythmée par la neggafa principale, va pratiquer le défilé des caftans et des vêtements traditionnels.

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Comme mentionné plus haut, la mariée va changer ses tenues moins quatre fois, voire sept fois, selon le programme arrêté. Mais alors pourquoi changer de vêtements sept fois ?

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Il faut rappeler qu’à l'origine, le mariage marocain s’étalait sur sept jours, ce qui permettait à la mariée de porter chaque jour, une tenue différente, rappelant les principales régions du pays.

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Citons, à titre d’exemple, la tenue dite « Fassia » (région de Fès) avec le fameux caftan « Ntaâ », puis la tenue bleue "R'batiya" (Rabat), puis la « Takchita Soussiya » (région de Souss - Massa), avec beaucoup de motifs et couleurs, également le caftan doré et brodé appelé le caftan « mejdoub », et enfin la « Gandoura Sahraouiya » (de la région du Sahara marocain).

Au début de la soirée, la mariée est généralement vêtue d’une robe blanche appelée «Takchita », qui symbolise la pureté et la clarté.

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La tradition la plus attendue de la soirée est la célèbre danse « Doura » où les deux mariés sont portés sur deux grandes plates-formes, rondes et profondes, décorées avec plusieurs motifs, et supportées par deux barres parallèles qui permettent aux porteurs de porter les époux sur leurs épaules. La mariée est portée par les neggafates, tandis que le marié est porté par des hommes de service, et ses amis éventuellement. La mariée est vêtue d’un tissu épais de brocart vert ou doré. Ce vêtement est appelé aussi « Jouhar » (perles ou pierres précieuses), couvre la tête et les épaules de la mariée. La neggafa fait en sorte que le tissu soit tendu sur chaque côté des épaules, mettant ainsi en valeur le visage de la mariée. Sur la tête de la mariée est accroché un grand diadème d’or, finement travaillé par le joaillier, avec une rangée de perles blanches sur les deux côtés du visage. Malgré le poids de cette parure (environ 10 kg), la mariée est très heureuse, car elle est en train de réaliser son rêve d'enfance. Les neggafates entament une chorégraphie synchronisée avec les hommes, qui eux portent le mari. La célèbre chanson traditionnelle « Alf Hnia Oua Hnia » (mille et une félicitations) peut durer quinze à trente minutes. Les paroles de la chanson louent la beauté et les qualités de la mariée, sans oublier de chanter aussi les éloges à l’égard du mari. Au cours de la danse, les porteurs et les neggafates rapprochent les deux plates-formes et marquent un arrêt dans leur mouvement, permettant ainsi au marié de poser un baiser sur le front la mariée, déclenchant les applaudissements des invités et les youyous des femmes.

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La cérémonie, qui dure jusqu'à l'aube, se termine par le rituel de la coupe du gâteau de mariage. Les jeunes mariés apparaissent dans leur dernière tenue de soirée. La mariée, est généralement vêtue d'une belle robe blanche, de style européen, et son mari, est vêtu également d'un costume noir, vont couper le premier morceau de gâteau de mariage qu’ils se partagent avec amour. Les serveurs prendront la relève pour faire gouter le gâteau aux convives.

 

010 Svatebni dort

Avant de prendre congé de leurs invités, les nouveaux mariés vont faire un tour traditionnel dans la ville, accompagnés d’un convoi de voitures de leurs amis et membres de la famille qui klaxonnant tout au long du parcours. Par exemple, à Casablanca, le convoi fait le célèbre circuit de la côte, où les nouveaux mariés s’arrêtent pour prendre des photos souvenirs.

 

Sur le chemin de retour, la voiture transportant le couple prend de la vitesse et fuit les autres voitures, vers une destination inconnue (hôtel ou appartement), où les nouveaux mariés vont passer leur première nuit de noces, enfin seuls après toute une soirée festive.

ČMSPS - 16. 04. 2016