L'argile marocaine « Ghassoul »
     Sa caractérisation chimique et ses usages 

 

 Auteur: Jonáš Tokarský

                                                                           Traduction: Hakim Safadi

 

 

Le Ghassoul, une argile marocaine aux propriétés nettoyantes exceptionnelles, est utilisé comme savon, shampooing et masque naturel par les anciens Grecs et Romains, et depuis le XIIe siècle, aussi par les nations du Moyen-Orient. Le seul site connu au monde – un gisement souterrain d'une superficie d'environ 2500 ha, est situé dans la région marocaine de Fès-Meknès (apellé la région de Fès-Boulemane jusqu'à 2015), où ce matériau a été probablement formé par la transformation diagénétique de la dolomite dans les eaux peu profondes des lacs mésozoïques et tertiaires, riches en silice et magnésium (Chahi et al. 1999). Ce n’est que dans la première moitié du XIXe siècle que la communauté scientifique a appris, pour la première fois, l'existence du ghassoul et sa composition approximative (Damour, 1843), et il a fallu attendre près de cent ans pour que les premières études soient publiées, non seulement sur sa composition, mais surtout sur son origine (Frey et al. 1936). Jusqu’à 2008, plusieurs études ont été publiées relatant la composition du ghassoul, et on pense actuellement que le composant dominant du ghassoul est la smectite trioctaédrique au magnésium, apellé stévensite contenant de petites quantités de sépiolite. 

La plupart des articles scientifiques consacrés au ghassoul n'ont été publiés qu'en 1990. Outre les études géologiques et minéralogiques, ce sont aussi les résultats de recherches qui ont démontré son applicabilité pratique. Ces études n'ont commencé à s’intensifier qu'après l'an 2000, et c’est sur leur base que l'utilisabilité du ghassoul (sauf à des fins cosmétiques, qui ne font pas l'objet de ces travaux), peut être située dans deux domaines principaux, à savoir la sorption et la céramique industrielle.

La capacité de sorption du ghassoul a été testée sur des substances organiques et des ions de métaux lourds, révélant que le ghassoul est très efficace, aussi bien pour les sorptions organiques (par exemple, la capacité de sorption du ghassoul pour la rhodamine B est de 302 mg / g (Elass et al., 2013)), que pour certains métaux lourds (par exemple à pH 4 et 6, la capacité de sorption du ghassoul pour Hg²+ est de 34 mg / g et 18 mg / g (Benhammou et al., 2005)).

Le ghassoul a également été utilisé avec succès comme matériau de base dans la préparation de la céramique de cordiérite. En tant que source de silicium et de magnésium, il peut remplacer ou compléter par exemple, l'enstatite ou le talc dans les « précurseurs ». Les céramiques de cordiérite, préparées par calcination (t = 1350 °C) du ghassoul avec de l'andalousite à une densité finale de 2.4 g ∙ cm-3 et un coefficient de dilatation thermique de 5.3 · 10-6 °C-1 (température variant de 25-1300 °C), ne diffèrent pas, de façon significative, de la céramique de cordiérite préparée à partir d'autres matières premières (Bejjaoui et al. 2010).

Jusqu'à présent, le ghassoul a fait l’objet d’études seulement dans quelques institutions universitaires au Maroc, en Espagne et en France. En République tchèque, le premier laboratoire dédié à ce matériau est le Centre des nanotechnologies de VŠB-TU Ostrava (Université des Mines – Université technique Ostrava). Le ghassoul est étudié ici, entre autres, comme matrice pour nanoparticules d'oxyde de zinc photocatalytiquement actives (J.Tokarský et K. Mamulová Kutláková, 2015) 

                                                                                                         

 

Bibliographie :

        R. Bejjaoui, A. Benhammou, L. Nibou, B. Tanouti, J. P. Bonnet, A. Yaacoubi, A. Ammar. Synthèse et caractérisation de la céramique de cordiérite à partir de stévensite et andalousite marocaine. Appl. Clay Sci. 49 (2010) 336-340.

   A. Benhammou, A. Yaacoubi, L. Nibou, B. Tanouti. Adsorption d'ions métalliques sur la stévensite marocaine: études cinétiques et isothermes. J. Colloid Interface Sci. 282 (2005) 320-326.

   A.Chahi, P. Duringer, M. Ais, M. Bouabdelli, F. Gauthier-Lafaye, B. Fritz. Transformation diagénétique de la dolomite en stévensite dans les sédiments lacustres de Jbel Rhassoul, Maroc. J. Sediment Res. 69 (1999) 1123 - 1135.

   A.A. Damour. Analyse de la pierre du savon du Maroc. Annales de chimie et de physique. 3 (1843) 316–321.

   K.Elass, A. Laachach, M. Azzi. Etudes d'équilibre, thermodynamique et cinétique pour étudier la sorption de la rhodamine-B par l'argile marocaine. Global Nest J. 15 (2013) 542-550.

   R. Frey, B. Yovanovitch, J. Burghelle. Composition et gènes des sources probables de décolorants nord-africains. [Maroc] Service des mines et de la carte géologique. Notes et souvenirs. 38 (1936).

  J.Tokarský, K. Mamulová Kutláková. Nanocomposites photoactifs de type ZnO / argile. NANOCON 2015 - Actes de conférence. 196 - 201. ISBN 978-80-87294-63-5.

 

 

ČMSPS - 08.03.2018